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L'histoire par les lieux dits
Extrait page 18 à 21 du livre "Antony cinq siècles de rues et de lieux-dits", Yvonne Firino.
Seuls les noms des cinq premiers lieux-dits : le Carré, les Arpents, les Chaussées, les prés de l'Abreuvoir, avec le trou du Gon, la Petite Prairie peuvent nous renseigner sur ses origines.
Il est d'usage, en cette fin du XXe siècle, de faire naître Antony seulement au IIIe siècle après J.C. Il en est ici comme pour de nombreux exemples dans d'autres domaines : il y a naissance et naissance. Ce n'est pas parce qu'Antony porte un nom d'origine latine que le village est né de la décision d'un certain Antoine, dont nous ne savons d'ailleurs rien. Ce n'était là qu'une hypothèse avancée au XIXe siècle par l'abbé Enjalvin.
Un groupement humain peut avoir de multiples origines. Dans nos régions, la sédentarisation est relativement récente, quelques millénaires tout au plus. Auparavant, les hommes préhistoriques avaient ouvert des voies en suivant le gibier à la trace et en remontant vers le nord au fur et à mesure du réchauffement du pays après la dernière glaciation. Antony est situé sur l'axe nord-sud, au passage obligé de la rivière de Bièvre que l'on traversait alors à gué. C'est par nécessité que les hommes se fixèrent à des points stratégiques, surveillant les passages et ravitaillant les voyageurs de toutes sortes. C'est pourquoi les villages naquirent très souvent aux gués, au confluent d'un fleuve et d'une rivière, aux carrefours de routes commerciales importantes empruntées depuis la plus haute antiquité.
Sans remonter aux hommes préhistoriques dont les chercheurs ont retrouvé pourtant la présence dans toutes les villes qui entourent Antony - Verrières, Châtenay, l'Haÿ-les-Roses, Rungis, etc.- nous pouvons situer à la période celtique les premières implantations humaines dans notre village. Les travaux récents sur l'époque gauloise ont démontré que les populations d'origine celte avaient une organisation sociale très poussée. D'abord chasseurs, ils devinrent défricheurs, cultivateurs et éleveurs. Ils développèrent la culture de la vigne, faisant un commerce actif de vin qu'il transportaient dans des tonneaux de chêne. Les charrons construisaient des chars à quatre roues et à deux roues, qui parcouraient en tous sens le monde celtique. Les forgerons travaillaient le fer, fabriquant armes et outils ; les agriculteurs perfectionnèrent les techniques agricoles, inventant même la moissonneuse à roues ! La Gaule, au moment de sa conquête par César, était devenue un grand pays producteur de céréales avec une importante variété de grains.
A Antony, c'est le lieu-dit numéro 2 qui rappelle la présence des Gaulois : il s'agit des Arpents.
Délimité par la nationale 20, la rue Auguste Mounié, la place Firmin Gémier, la rue du Marché, l'avenue Gabriel-Péri et le lit de la Bièvre, il est situé à la cote 55 sur le versant non inondable de la rivière. Dans toutes la France, on retrouve des lieux-dits de ce nom. Le plus souvent, ils sont précédés d'un nombre : les Dix Arpents, les Vingt Arpents, quelquefois même les Cent Arpents. A Antony, leur nombre n'est pas précisé : il faut se reporter aux plans anciens pour le savoir. Il mesurait en fait un peu plus de dix arpents, soit 3,5 ha. Toujours est-il que ce nom est l'un des trop rares mots de la langue gauloise qui ont survécu jusqu'à nos jours. C'est la mesure agraire de référence chez les Gaulois, valant trente-quatre ares, dix-neuf centiares dans la région parisienne ; elle a été utilisée pendant près de vingt siècles, perpétuant ainsi la trace du travail de nos lointains ancêtres. Certains historiens pensent qu'il s'agit des territoires défrichés par les Celtes et mis en cultures de céréales, les habitants ayant établi leurs villages un peu plus loin, soit à mi-pente, soit dans les marécages des rivières sur des pilotis.
Ils cultivaient alors du blé, de l'orge, du seigle, de nombreux légumes, des choux, des raves, des navets, des céleris, des fèves. Ils élevaient des chevaux et les mêmes animaux domestiques que nous : porcs, bœufs, moutons, chèvres, volailles, etc.
A partir du Ier siècle avant J.-C., on commença de grands travaux. Bien que la plupart des voies aient été tracées antérieurement à la conquête, les Gallo-Romains améliorent peu à peu le réseau routier existant. Le lieu-dit les Chaussées, terme romain par excellence, contigu à celui des Arpents, révèle la présence d'une route à proximité. Les ingénieurs de cette époque ont consolidé la piste ancienne sur l'axe nord-sud et l'ont aménagée pour pouvoir traverser la rivière sur un pont.
Le lieu-dit le Pont d'Antony date des premiers siècles ; il est situé à quelques centaines de mètres de l'ancien gué et on voit très bien sur le plan hypsométrique que le terrain a été surélevé de plusieurs mètres à cet emplacement pour mettre la route à l'abri des crues de la Bièvres, les prairies situées de chaque côté étant à la cote 50.
La route romaine était destinée à la fois au passage des troupes et à celui du matériel roulant ; les soldats marchaient à pied sur les bas-côtés sablés, tandis que les chars occupaient le milieu de la chaussée dont le sous-bassement était constitué de plusieurs couches de matériaux de nature variable suivant les régions : la surface était dallée, ce qui rendait la route dure et résistante aux lourdes charges.
Le numéro 4, les prés de l'Abreuvoir (32 arpents, 31p.) qui s'étend sur près de dix hectares dans la partie la plus basse du thalweg de la rivière avant son changement de direction, est bordé par la route et prouve par là même son ancienneté.
Le mot abreuvoir a, dans le haut Moyen Age, le sens de gué ; il désigne un lieu où l'on pouvait traverser facilement les rivières en pratiquant néanmoins quelques aménagements : il suffisait de placer habilement quelques dalles de pierre pour que convois, hommes et bêtes franchissent le ruisseau. Dans les prairies naturelles contiguës, on aménageait naturellement un abreuvoir.
Nous avons donc à Antony, au milieu des prés, le gué ancien, qui a naturellement été utilisé par les gens du village pendant tout le Moyen Age. Dans le terrier de 1503, il est fait mention de la voie du gué qui descend vers la rivière. Nous avons également un abreuvoir aménagé près du pont. Pour comprendre une ville ou un village, il faut garder à l'esprit la permanence des pratiques humaines. De tout temps, les hommes ont construit des chemins, puis des déviations ; c'est pourquoi nous rencontrons les ponts situés à quelques dizaines ou centaines de mètres des anciens gués.
Ce lieu-dit (1a, 49 p., 1/3 d'ha), auquel les arpenteurs n'ont pas donné de numéro mais qui est mentionné sur tous les plans, se rattache naturellement au précédent. Formé de deux noms, il appelle deux explications. Dans les terriers du XVIIIe siècle, il est écrit qu'une partie appartient aux seigneurs et se présente comme un marais, alors que l'autre partie est partagée entre plusieurs propriétaires privés et est plantée de saules.
Dans les deux cas, on trouve la présence de l'eau qui a dû être permanente tout au long des siècles puisque le mot trou fait penser à une réserve d'eau, et le mot gon, déformation de gué, nous informe sur la présence de celui-ci à proximité. Ce mot venu du latin vadum, se retrouve partout en France, en particulier en Ille-et-Vilaine au sud de Rennes, où un hameau se nomme la Noé de Vaugon.
Séparée des prés de l'Abreuvoir par un sentier, bordée au nord par la Bièvre, au sud par la rue du Pont-aux-Anes (Prosper Legouté), à l'est par le chemin des Prés (Jean Monnet), ce lieu-dit (n°5) a été rapidement privé. Ce fut longtemps une dépendance de la ferme des Maretz (marais) située en face sur la rive gauche de la rivière.
Le parc resta longtemps à l'abandon, bien que des projets de lotissement aient vu le jour avant 1939. C'est maintenant la résidence du parc du château et quelques rues y ont été créées. La rue de la Prairie rappelle le nom du lieu-dit, les allées des Erables, des Platanes, des Ormeaux rappellent le parc. C'est dans l'angle sud qu'avait été captée la source qui descendait du plateau dans un réservoir appelé la fontaine Michalon détruit en 1929.
Le lieu-dit auquel les arpenteurs de l'Abbaye de Saint-Germain ont donné le numéro 1 est peut-être le plus difficile à expliquer. Les précédents font référence à des notions précises ; le carré, lui, peut faire l'objet de plusieurs hypothèses. Ce mot simple, de compréhension facile, est porteur de nombreux symboles et c'est une figure magique dans de très nombreuses civilisations. On sait que les Romains, après avoir pris les augures, délimitaient ainsi les lieux dans lesquels ils voulaient s'implanter, qu'il s'agisse d'une future ville, d'un temple ou d'un simple camp militaire.
La présence au cœur même d'Antony d'un tel nom, très fréquent cependant en toponymie, nous révèle sans conteste une volonté d'implantation des vainqueurs. Sur les anciens plans, il apparaît comme un grand rectangle limité par les rues Augusta, Velpeau, Maurice Labrousse, l'avenue Léon Blum. Mais ce qu'il en reste au XVIIIe siècle ne signifie pas pour autant qu'il n'englobait pas tout le village à l'origine. S'il nous révèle une présence certaine des Gallo-Romains, il ne nous dit pas pour autant qu'il y eut une villa à Antony. Le carré tel qu'il se présente est situé sur un terrain en pente et ne se prête pas du tout à l'implantation d'une exploitation agricole de l'importance de celles que l'on redécouvre sur les plateaux. Il est plus probable qu'à Antony, nous avons eu un vicus routier, lieu de ravitaillement des voyageurs avec, peut-être, la présence d'un édifice sacré , le fanum.
Une partie de ce lieu-dit a été éventrée par la construction de la ligne de chemin de fer Paris-Limours.
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